Drôle d'équipée {Solo}

Personnages:
- Yuukyuzan Anjii / PJ
- Ryotenbin no Rukia / PNJ
- Kogane Namu / PNJ


Anjii observa la jeune femme. Elle était brune, les cheveux mi-longs, portait une tenue assez légère, mais qui laissait entrevoir une sorte de maillage protecteur léger autour du torse et des cuisses. Ses yeux étaient vifs, son air décidé, et elle inspirait une sorte d'obéissance rien que par son charisme. Elle aussi le dévisageait. Après tout, ils ne s'étaient aperçus que de nuit, et au cours d'un affrontement, qui plus est. Leur regard se croisa, et un échange se mit en place. Ou plutôt une lutte. Aucun des deux ne semblait déterminé à baisser les yeux devant l'autre. L'homme aux longs cheveux blond toussota, puis se dressa et fit un pas pour barrer le champ de vision d'Anjii et de celle qui l'avait assommé la nuit précédente. Le Déchu était à nouveau prêt à en découdre, sentant qu'il avait toutes ses chances en plein jour. Mais il se retint, comme si l'ordre de la Kunoichi avait réveillé quelque chose en lui.

"Rukia... et Namu...", fit le grand Vagabond, regardant alternativement l'un et l'autre. Ils hochèrent la tête en signe d'affirmation. "On peut savoir pourquoi vous m'avez amené ici?", s'interrogea-t-il.
"On a entendu parler de toi il y a quelques temps, et on s'est dits que tu pourrais peut-être rejoindre notre tandem.", répondit le dénommé Namu. "On sait que tu es un Moine Combattant... Et on connait ton prénom: Anjii".
"Je vois... Et vous faites quoi, ensemble comme ça?", demanda Anjii.
"On va par-ci par-là, on regarde du pays.", répondit l'autre, énigmatique. "Tu sais, le monde est en plein changement... alors on cherche comme qui dirait notre place. Et tu es un peu comme nous.", expliqua-t-il, lucide.

Oui, le monde était en train de changer... Anjii avait senti ce vent de changement quand son Clan s'était fait à moitié décimer, en partie par sa faute. Les survivants lui jetèrent la pierre, et même son père l'accabla de reproches. En définitive, Anjii perdit la Foi en sa mission de protecteur, et s'en libéra, en même temps qu'il mit fin aux jours de son propre parent. Depuis, il errait en cherchant un but à sa vie. Suivre ces deux-là n'apporterait peut-être pas de réponse... Mais Anjii ressentit comme le besoin de se lancer. Et il perçut dans le regard de la jeune femme un éclat très spécial de volonté. Elle regarda à nouveau Anjii, attendant comme une réaction de sa part.

"Pourquoi pas...", dit-il, pensif. "Ok... je vais faire un bout de chemin avec vous.", décida-t-il finalement. "Où est-ce qu'on va?", ajouta-t-il.
"Vers l'est.", dit enfin la mystérieuse Rukia.
"Va pour l'est...", rétorqua Anjii. "Alors, en route?"

Il se leva, ramassa sa lance et la plaça dans son dos, en diagonale, retenue par un filin qui lui passait devant le torse. Namu et Rukia commencèrent à marcher d'un pas tranquille, Anjii à deux ou trois mètres derrière eux. Il observa le paysage. Quelques joncs, quelques flaques, beaucoup de moustiques. En amphithéâtre derrière eux, les montagnes, et devant, à plusieurs lieues, les marécages du Grand Fleuve Amont. Et plus loin encore, les nuages s'amoncelaient, gris-noirs, menaçants. Anjii quittait son berceau maudit. Hefei ne serait bientôt plus qu'un lointain souvenir.

Après plusieurs heures de marche silencieuse, les reliefs qui les entouraient avaient fini par perdre leur pente, et s'étalaient à présent paresseusement, entourant de joyeux ruisseaux, parfois de grandes rivière, sur lesquelles il fallait marcher pour pouvoir traverser et poursuivre la route. Les nuages sombres s'approchaient de plus en plus. Ou du moins, ils approchaient de plus en plus de la zone aux nuages sombres. Enfin, au détour d'un sillon creusé de longue date par la géologie locale, ils débouchèrent sur une vaste zone de marécages, dans laquelle un fleuve déjà monstrueux de par ses dimensions divaguait.

Joncs, arbres morts, plantes épineuses, serpents de toutes tailles. Par endroits, il y avait encore des corps, ou du moins ce qu'il en restait, soit le squelette, témoignant d'affrontements plus ou moins récents dans la zone. Tout n'avait pas été emporté par le Grand Fleuve, loin s'en fallait. Anjii se racla la gorge, puis soupira.

"Eh beh, c'est plus gai dans un cimetière", constata-t-il.
"Une grande bataille a eu lieu ici, il y a deux semaines. On a réussi à lui échapper de peu, en fait.", commenta Namu.
"Tout s'explique.", répondit Anjii, hochant légèrement le chef.
"On a entendu une rumeur à ton sujet. Les gens disent que tu as tué ton père. C'est vrai?", demanda-t-il, laissant Rukia partir un peu en avant.

Anjii le regarda sombrement, puis leva les yeux vers un point noir dans le ciel. Après quelques secondes de silence, il baissa les yeux vers ses pieds, et un rictus déforma son visage.

"Oui, je l'ai tué.", dit-il à mi-voix. "Mais pas par cruauté", ajouta-t-il précipitamment en levant les yeux vers son interlocuteur.
"Les gens t'appellent le Déchu, maintenant. C'est que tu avais une petite réputation, avant.", expliqua le blond.
"Et il est loin d'être à la hauteur.", fit la voix trainante de Rukia, qui avait à moitié retourné sa tête pour observer les deux hommes.

Son regard neutre en dit plus long que tout le reste: elle s'y était attendue avant-même de combattre. Anjii poussa une petite exclamation dédaigneuse entre ses dents. Il savait que les réputations étaient construites sur un mélange de factuel et de vent, et ne se formalisa pas vraiment de cette remarque. Il décida de se taire temporairement. Pour réfléchir, pour tenter de trouver quelque chose à faire, un objectif à atteindre. Traverser ce marais, déjà...

Il regarda au Nord-est, et vit une masse indescriptible, perdue dans les ombres des nuages, très loin de là où il se trouvait. Probablement à plusieurs jours de marche. Cette forme "informe" avait quelque chose de menaçant, à vrai dire. Anjii n'aimait pas la savoir si proche. Il espérait mettre de la distance entre lui et ce lieu, et ce, le plus tôt possible. Mais il garda cette pensée pour lui pendant un long moment. Levant à nouveau les yeux dans le ciel, il repéra à nouveau le point noir, qui repartait dans l'autre sens cette fois: droit en direction de ce lieu obscur.

"Dites. C'est quoi, cette masse sombre là-bas?", demanda-t-il.
"Soragakure...", répondit Namu. "On raconte que plusieurs clans se sont réunis là-bas pour fonder une Cité tentaculaire. Rien ne leur résiste, et leur influence s'étend jusqu'aux contreforts des montagnes, tout autour du Grand Lac.", expliqua-t-il.
"Le Grand Lac?", dit Anjii, peu au courant des lieux du vaste monde.
"Tu n'es jamais sorti de ta vallée, n'est-ce pas?", se moqua un peu Namu. "Le Fleuve sur lequel nous marchons se jette dans un Grand Lac. Puis au-delà, le Fleuve traverse une contrée verdoyante avant d'atteindre les Gorges qui portent son nom. Je ne sais pas exactement ce qu'il y a au-delà.", décrit-il.
"Ah... je vois", fit Anjii, perplexe.

Rukia fit un brusque changement de direction, et monta sur un rocher qui saillait sur la rive. Elle mit sa main sur son front, scrutant l'horizon. Après une poignée de seconde elle leur fit signe. Ils la rejoignirent, et elle leur désigna un point blanc au sud. Anjii écarquilla les yeux pour constater qu'il y avait là-bas une bâtisse. Le soleil commençait à passer derrière les plus hauts sommets qui se dressaient dans le Sud-ouest, signe que la nuit approchait à grands pas.

"C'est une auberge. On va y passer la nuit.", dit-elle simplement, avant de se remettre en route.

Ils marchèrent une heure, et la nuit commença à tomber. Un hurlement lugubre retentit dans l'ombre grandissante. Ils pressèrent un peu le pas. La faune sauvage était agitée et quelque peu belliqueuse. Le trio fit d'ailleurs la rencontre d'un ours, que Rukia mit hors de combat d'un coup de pied bien ajusté. Anjii et Namu échangèrent un regard, haussèrent les épaules en souriant, et se mirent à suivre celle qu'ils avaient d'ors et déjà adoptée comme leur chef de groupe. Ce n'est que tard dans la soirée qu'ils arrivèrent dans le petit hameau et franchirent la porte de la maison d'hôtes. L'atmosphère chaude et bruyante les enveloppa aussitôt, revigorante à souhait.

~ Exercice Manuel (Entrainement Dextérité) ~


Anjii se dirigea directement vers le bar, suivi de près par Namu. Rukia resta un peu en retrait, observant la salle, puis elle finit par suivre les deux hommes. Avisant un tabouret, Anjii s'installa dessus et héla le maître des lieux.

"Hola, Chef! Sers-moi une Bière de Sureau", réclama-t-il en sortant quelques Ryos d'une poche intérieure.

Namu lui retint le bras, lui faisant un signe négatif de la tête. Il adressa également la parole au patron de l'auberge.

"La même chose pour moi, s'il-vous-plait", fit-il, d'un ton un peu trop distingué pour le lieu où il se trouvait.

Il tira une banale pièce sans valeur de sa poche et la tendit au barman en guise de paiement. Alors qu'elle allait changer de main, la texture et la couleur de la pièce changèrent complètement. Le barman fut surpris du poids de la rondelle, et regarda son ancien propriétaire un peu bizarrement, puis il tenta de croquer la piécette. Il étouffa un juron et cracha un morceau de sa molaire. Un regard entendu indiqua à Namu que son paiement était accepté. Anjii avait une mine amusée.

"Qu'est-ce que c'était que ce tour de passe-passe?", demanda-t-il, le sourire aux lèvres, au moment où Rukia prenait place à sa gauche.
"Mystère, monsieur le Déchu!", répondit l'autre, chicaneur.
"Tavernier, on vous prend une chambre", fit la voix froide de la jeune femme, dans son dos.
"Entendu mam'selle.", répondit l'intéressé en lui tendant une clé.
"Et je vais vous prendre un verre d'eau...", ajouta-t-elle. "Quoique... non, servez-moi une Bière de Sureau à moi aussi."

La taverne était très animée. Il y avait là un peu de tout: des civils, des marchands, même quelques Shinobi. On n'était plus très loin de la frontière du Pays de la Pluie, expliqua Namu à Anjii, qui n'y connaissait pour ainsi dire rien. Les chopines leur furent alors présentées, et l'ex-moine souleva la sienne, saluant le barman, qui se servit un petit quelque chose et s'assit face au trio hétéroclite. Un grand musclé, un gars qui ressemblait à une fille avec ses cheveux blonds épais et longs, et une fille sérieuse comme la mort.

"Vous êtes des Shinobi vagabonds, n'est-ce pas?", fit-il, dans un demi-sourire.
"Précisément, et si vous ne cherchez pas les ennuis, vous le garderez pour vous", menaça posément Rukia.
"Ne vous inquiétez pas. De toute manière, dès que vous êtes entrés, la moitié de la salle a du le deviner. Ici on n'est pas du genre à chercher les ennuis. Les milices de Soragakure trainent parfois dans les parages... Il faut dire que j'ai quelques fonds de commerce pas très légaux, entre ici et au-delà de la frontière. Je trempe plus ou moins dans de la contrebande, si vous voyez ce que je veux dire.", expliqua-t-il. "Je n'ai pas intérêt à ce qu'il y ait du grabuge, en somme.", dit-il en faisant la moue.

Anjii but son verre d'un trait, et la boisson chaude coula agréablement dans sa gorge. Il en savoura le parfum, mais regretta l'arrière-goût un peu différent de la bière de sa vallée. Sans doute l'effet de la pluie... Namu tenta de l'imiter mais s'étrangla à moitié. Il secoua la main et ses yeux grands ouverts indiquèrent qu'il avait du mal à boire la brassée. Anjii sourit, et finit un second récipient de la même manière que le premier. En le reposant sur le bar, il avisa dans un coin de la pièce un objet étrange. Fait de bois, il semblait composé de plusieurs parties très différentes les unes des autres. Touchant le sol, une forme massive, arrondie, avec au milieu une cavité sombre. Posée contre le mur, et reliée à la précédente par un savant système de chevilles, invisible, un manche plat. Partant de sous la cavité sombre, puis courant le long de ce manche, des câbles d'épaisseurs variables étaient fixés de part et d'autre de la chose... Cela intrigua le combattant.

"Excusez-moi...", fit-il en se levant.

Il alla observer l'objet de plus près. S'accroupissant devant, il l'examina d'un oeil de parfait ignorant, se demandant à quoi une telle chose pouvait bien servir. Etait-ce une arme? Il caressa les côtés du bas de l'objet, pour vérifier s'ils étaient tranchants. Ils ne l'étaient pas, mais bien employés, ils pouvaient tout de même causer quelques dommages. Etait-ce une massue? Soupesant l'objet, il élimina d'office cette possibilité: trop léger. Une arme de jet? Il tenta de l'attraper par le manche, et sa main appuya sur les câbles, qui entrèrent en contact avec le manche. Un son étrange jaillit de ce contact, ce qui surprit un peu notre homme. Il lâcha, et les câbles se mirent à vibrer, produisant un son encore plus insistant, et très harmonieux.

"Intéressant...", murmura-t-il.

Il retourna s'assoir, l'objet en main, et le présenta à Namu, sous l'oeil amusé du patron.

"Ceci est une guitare, monsieur le Déchu.", le renseigna ce dernier, surprenant Anjii. "Oh, oui, ils m'ont raconté qui vous étiez pendant que vous alliez voir de plus près cet instrument.", expliqua-t-il.
"Ah... Je sens que cette image va me courir après pendant toute ma vie", fit-il, morose, en regardant Rukia comme si elle était coupable de cet acte, à quoi elle répondit par un regard tout ce qu'il y avait de plus neutre.
"Il y a de fortes chances. Je ne vous juge pas, Anjii, mais tuer votre père... certains considèrerons que ça fait de vous un monstre.", dit-il en regardant son plafond, signe d'une certaine connivence. "Si vous voulez un conseil, apprenez à manipuler cet objet. Il vous sauvera la mise un de ces jours, vous pouvez me croire", ajouta-t-il en plantant son regard dans celui de son interlocuteur.
"C'était bien mon intention.", répondit Anjii, sur le ton de l'évidence.
"Allons, détendez-vous! Prenez-donc un peu de ce gruau, il vous requinquera!", suggéra l'aubergiste, jovial.

Anjii se servit abondamment, et dévora comme un affamé. A la fin du repas, il adressa ses remerciements au tenant des lieux: la cuisine était de qualité. Rukia le regarda comme s'il était un ahuri, puis se désintéressa à nouveau de sa personne. A peine une journée de marche s'était écoulée... Il ne fallait pas s'attendre à recevoir de la sympathie de sa part, mais tout de même. Il soupira, et se leva de table, suivi de Namu et de Rukia. Elle passa devant, comme elle avait la clé. Ils arrivèrent devant leur porte coulissante, et tirèrent le verrou avant de s'engouffrer dans leur espace privatif.

Ils s'installèrent, chacun de son côté, mais Anjii s'assit contre le mur fin, et prit la guitare de la façon qui lui paraissait la plus confortable: la main droite au niveau du manche, le bras gauche au-dessus du caisson de résonance. Il pinça une première corde, la plus fine, qui émit un son cristallin. Puis, de sa main droite, il pressa au hasard sur la même corde, et découvrit avec amusement que le son changea instantanément: plus haut. Il s'amusa pendant une heure à créer des harmonies en pinçant et pressant plusieurs cordes différentes, sous le regard de Namu qui l'observait. Rukia leur tournait le dos, allongée sur le côté, la tête face au mur.

"Quand j'étais petit, on m'a appris à jouer du violon.", confessa Namu, à mi-voix. "ça ressemble un peu à une guitare, mais c'est plus petit, et on ne joue pas de la même façon", précisa-t-il.
"Tu étais doué?", demanda Anjii.
"Je me débrouillais, je connaissais quelques morceaux.", fit son interlocuteur, en faisant un vague geste de la main. "Tu me sembles plutôt doué de tes mains, en tout cas. Et tu as l'oreille musicale. Je pense que tu apprendras vite, même si tu es visiblement gaucher.", ajouta-t-il en pointant la guitare du doigt.
"Gaucher?", souleva Anjii en levant un sourcil.
"Oui, tu te sers de la guitare comme un gaucher. Les droitiers la tiennent dans l'autre sens.", expliqua Namu.
"Mais ça veut dire quoi, gaucher, droitier?", se renseigna Anjii.
"Aah. Eh bien... disons que... quand tu es droitier, tu te sers plus facilement de ta main droite... et que... non attends ça ne colle pas en fait... puisque tu te sers des deux mains pour jouer...", analysa le blond. "En fait, jouer de la guitare est un excellent exercice pour entrainer ses mains...", conclut-il.

Anjii hocha la tête et se remit à jouer avec ses mains. Il tenta de construire une mélodie. Douce et poignante à la fois, quelque chose qui évoquerait le passé, la mélancolie du vagabond égaré loin de sa maison, et qui ne pourra jamais y retourner. Il passa presque toute la nuit dessus, patient, attentionné, berçant presque son auditoire composé de ses deux compagnons. Les notes résonnaient dans l'obscurité de la chambre, à mesure qu'il plaçait ses doigts le long du manche et qu'il grattait les cordes. Il s'appliqua à maîtriser les nuances du son, tantôt fort, tantôt faible, tantôt neutre. Puis il se mit à fredonner sur un air qu'il tenta alors d'appliquer avec l'instrument. Il eut la joie de constater que ça rendait plutôt bien. Sentant l'inspiration, il imagina un texte qui pourrait se placer sur ces notes.

"Je reste assis, seul, dans l'ombre / L'hiver de ma vie est arrivé si vite / Ma mémoire remonte à l'enfance / Aux jours dont je me souviens encore / Oh, comme j'étais heureux alors / Il n'y avait pas de tristesse, il n'y avait pas de souffrances / Marchant dans les vertes prairies / Le soleil dans mes yeux. Je suis toujours là, partout à la fois, je suis la poussière dans le vent, et l'étoile dans le ciel du Nord. Je ne reste jamais nulle part, je suis le vent dans les arbres, mais m'attendras-tu seulement pour toujours?", chanta-t-il, laissant quelques larmes couler sur ses joues.

Music of a night

Et c'est dans ces moments que la magie vous transporte, fait d'une musique simple un moment de parfaite plénitude, où tout semble s'amplifier, devenir plus fort et porteur d'espoir. Anjii poursuivit sa complainte, avant que le sommeil ne le rattrape. Il posa alors l'instrument, se roula sous sa couverture, et s'endormit.

Courte nuit. Anjii rêva d'une ombre dans le ciel, qui grandissait. Au-dessous de cette ombre, une tour gigantesque. Au sommet de cette tour, il y avait... eh bien il n'y avait rien de spécial, en fait. C'était une tour banale, sauf qu'elle était posée juste en-dessous de ce nuage d'orage déprimant, qui semblait ne jamais vouloir s'éloigner. Le rêve dura des heures entières, mais dans la vraie vie ne lui en prit qu'une. Puis il sentit quelque chose le heurter sans lui faire pour autant mal. Au coeur de sa vision, un visage fermé fit une apparition soudaine au beau milieu des nuages: Rukia.

"Debout.", fit la jeune femme.

Et c'est là qu'Anjii se rendit compte qu'il était à présent tout ce qu'il y a de plus réveillé. Il regarda par la fenêtre, et eut l'agréable surprise de constater qu'il tombait littéralement des lances. Cela signifiait qu'ils seraient instantanément trempés s'ils sortaient... Vu la couleur des nuages, ça n'était pas près de s'arrêter, d'ailleurs. Il se redressa et prit appui sur ses pieds. Namu était déjà sorti. Seule Rukia était restée à l'intérieur de la pièce. Cette pensée le fit sourire, chose qu'il eut du mal à comprendre, d'ailleurs. Se levant, il entreprit de s'étirer, se postant devant la seule source de 'lumière' de la pièce: la fenêtre.

"Alors on part dès maintenant?", questionna-t-il tout en faisant craquer ses vertèbres occipitales.
"Nous ne sommes pas pressés, mais la route est longue", répondit-elle en finissant de rouler ses draps en boule. "Je vais rejoindre Namu, prépare-toi", ajouta-t-elle sur le pas de la porte, avant de fermer derrière elle.

Seul, Anjii contempla la vue sinistre, puis s'en désintéressa. Retournant vers son paquetage, il fit passer sa main sur les cordes de la guitare, se demandant comment il allait pouvoir la protéger de la pluie. Il confectionna une sorte de sangle à partir du filin qui retenait sa lance, et réussit ainsi à la placer dans son dos. Néanmoins, il devrait tenir sa lance tout en marchant... Et ça ne réglait pas le problème de la protection... Il jeta sa cape par-dessus: au moins l'instrument ne serait pas trempé tout de suite... Mais après... Anjii se releva et alla sortir un vêtement fin de son paquetage. A ce moment-là, quelqu'un ouvrit la porte, et il se redressa, le linge noir à la main, le haut du corps à découvert.

C'était Namu, une théière fumante et deux tasses à la main. Souriant, il referma la porte à l'aide de son pied, et posa ses ustensiles par terre, s'agenouillant. Il servit le thé, avant de jeter une œillade amusée à Anjii qui avait précipitamment enfilé la vêtement.

"Je ne suis pas de ce bord, si c'est ce que tu crains.", le rassura-t-il. "Est-ce interdit d'admirer la puissance musculaire d'un camarade?", nargua-t-il, au grand désarroi de l'homme.
"Non, bien sûr... mais je n'aime pas qu'on admire ça, justement.", hésita-t-il. "Qu'on m'assimile à ça.", lança-t-il, sachant qu'il avait trouvé les mots justes.
"Je vois... Il faut que j'apprenne à te connaitre, messire Anjii.", constata le blond, servant la tasse d'Anjii.

Ce dernier vint s'installer et hocha la tête en signe de remerciement, puis saisit la tasse à pleines mains, la lâchant immédiatement, déclenchant un nouveau sourire chez son interlocuteur. Celui-ci saisit délicatement l'arche qui permettait de tenir le récipient sans se brûler, et fit tournoyer l'infusion à hauteur de son visage, tout en inspirant les senteurs, avant de reposer la boisson. Anjii l'imita, avec nettement moins de maîtrise. Mais le parfum était agréable, et il en eut l'eau à la bouche.

"Le thé éveille les sens. Il sert en de nombreuses occasions. Tantôt à faire la paix, tantôt à faire la guerre, tantôt à passer un bon moment, en toute simplicité", expliqua Namu. "C'est une boisson noble, et elle est soumise à un protocole multiséculaire.", dit-il en levant un index.

Anjii acquiesça de la tête, en signe de compréhension: on ne lui avait jamais appris tout ça. Pour lui, une infusion c'était quelque chose de chaud et de bon qu'on pouvait boire l'hiver pour se réchauffer. Il attendait tout simplement que ça refroidisse un peu avant de boire.

"Mais nous n'avons pas le temps de passer plusieurs heures devant nos tasses", ajouta Namu, portant la sienne à sa bouche, et laissant couler une petite partie du contenu à l'intérieur.
"Je pense que ça ne serait pas une difficulté pour moi", estima Anjii. "Mais tu as raison, 'elle' nous attend probablement.", ajouta-t-il.

Ils n'échangèrent plus un mot, et se contentèrent de boire. Ils vidèrent à deux la tasse, et Anjii se sentit fortement revigoré par les herbes. Il saisit sa guitare, plaça sa cape dessus, et attacha la sangle par-dessus son torse. Ses bras étaient à l'air libre. Il prit sa lance, et plaça son paquetage en bandoulière. Ainsi arnaché, il aurait du mal à combattre, mais ce n'était pas un problème en soi: pour l'heure, il fallait surtout penser à marcher. De son côté, Namu ne portait rien d'autre qu'une sorte de poignard recourbé en or, attaché à sa ceinture.

"Beau jouet", fit Anjii.
"Un peu lourd", rétorqua Namu, en tendant l'objet au Yuukyuzan.

Celui-ci le soupesa, le fit tournoyer en l'air, puis en testa le tranchant. Il constata que l'avantage de cette matière, l'or, était impressionnant: d'une rigidité extrême, il avait probablement plus de résistance que tout autre métal constituant habituellement les armes Shinobi.

"C'est une arme de qualité", fit-il en la rendant à son propriétaire.
"Elle est bien plus utile que son propriétaire, en tout cas!", répondit Namu dans un sourire. "Je ne suis pas un véritable Shinobi. Rukia m'a juste enseigné quelques bases", expliqua-t-il.

Anjii n'eut pas le loisir de répondre. La porte s'ouvrit et Rukia entra dans la pièce. Il regarda brièvement Namu, et s'écarta pour la laisser passer.

"Vous êtes prêts... parfait.", constata-t-elle en ramassant son propre paquet. "Alors en route !", dit-elle, arborant pour la première fois depuis deux jours quelque chose qui pouvait ressembler à un sourire.

Elle sortit la première, suivie de Namu, puis d'Anjii, qui referma la porte et les suivit un peu en retrait. La lace à la main, il provoqua le mouvement de recul des rares personnes qu'ils croisèrent, avant d'arriver dans la grande salle. Là, il constata qu'elle était vide, à une exception près. Un homme à la carrure massive se tenait dans un coin de la pièce. A ses côtés, quelque chose qui ressemblait étrangement à une loque humaine, les bras étalés sur la table, la tête entre les deux. Un pochard de première, sans doute. Un échange de regards se produisit entre Anjii et le premier homme, et le Yuukyuzan sentit que ce dernier s'intéressait beaucoup au trio. Il n'en dit rien à ses deux compagnons, et se contenta de saluer l'aubergiste au moment de sortir à son tour. L'homme l'avait suivi du regard tout du long.

"Anjii!", cria une voix dehors, couvrant le bruit de la pluie.

A cette appel, il sortit et laissa la porte se refermer. Namu et Rukia étaient déjà à une dizaine de mètres de là, trempés. Il les rejoignit et le groupe entama sa marche. Toutefois, le regard de cet homme resta comme gravé dans les pensées du Yuukyuzan. Pour chasser cette idée, il regarda en direction de ce qu'il savait désormais être Soragakure, au Nord. Les nuages allaient s'intensifiant en termes d'obscurité, à mesure que le regard se portait de plus en plus loin au Nord. Mais la pluie l'empêcha de voir très loin, ce jour-là. Très vite, il fut trempé, mais aucun des trois ne se plaignit de ces conditions plus que maussades. Ils prirent la direction de l'Est, en route vers un voyage extraordinaire qui leur réservait bien des surprises.

Anjii se demandait qui donc étaient ses deux compagnons de route. Il allait attendre de mieux les connaitre à travers les différentes étapes de leur route. Namu avait montré des connaissances en matière protocolaire, choses dont Anjii n'avait entendu auparavant que de maigres rumeurs. Il utilisait en tout et pour tout une arme faite d'or massif, mais ses propres capacités de combat étaient, selon ses dires, limitées. Rukia lui avait enseigné les rudiments des capacités d'un Shinobi. Elle était une femme mystérieuse, très secrète, et très sérieuse également. Etait-ce un masque? Possible. Mais tout cela, il l'apprendrait tôt ou tard...

"Bienvenue au Pays de la Pluie", fit Namu lorsqu'ils franchirent virtuellement une frontière.

Et comme en réponse à cette déclaration, la pluie redoubla soudainement d'intensité...